Déclaration du Ministre des affaires étrangères de la République d'Arménie Ara Aivazian pendant la conférence de presse succédant a son entretien avec le Ministre des affaires étrangères de la République Française Jean-Yves Le Drian
08 décembre, 2020Cher M. Le Drian,
Chers collègues,
Je suis heureux d'être aujourd'hui à Paris, la capitale de la France qui est un pays amical pour l’Arménie. Je remercie mon collègue français pour son invitation et son accueil chaleureux.
Je peux affirmer avec satisfaction qu'aujourd'hui nous avons eu une conversation efficace et honnête sur les questions les plus urgentes qui sont à l'ordre du jour des relations particulières arméno-françaises. L’une des questions clés de l’entretien, était, bien sûr, l’agression déclenchée par l’Azerbaïdjan contre l’Artsakh avec le soutien actif de la Turquie, et la situation difficile créée en conséquence. Nous avons échangé des vues sur la solution des problèmes humanitaires apparus après la guerre, la poursuite du processus de paix, les étapes vers la stabilité et la sécurité régionales, ainsi que sur la protection du patrimoine culturel arménien de plusieurs siècles qui est maintenant sous le contrôle des troupes azerbaïdjanaises.
Au nom de la République d'Arménie, j'ai exprimé ma profonde gratitude à mon homologue français pour la position courageuse et impartiale adoptée par la France depuis le tout début de la guerre. Les déclarations du président Emmanuel Macron étaient très importantes pour nous, où il a clairement indiqué qui est l'agresseur, a évoqué l'implication extrêmement pernicieuse et dangereuse de la Turquie dans la guerre, ainsi que le transfert de terroristes djihadistes dans la zone de conflit du Haut-Karabakh.
Je voudrais également saisir cette occasion pour remercier personnellement le ministre des Affaires étrangères Le Drian, pour son implication dans l’assistance à l’Arménie et dans le règlement du problème à la fois dans les jours difficiles de la guerre et après le cessez-le-feu, ainsi que dans le travail constructif de la diplomatie française.
Je voudrais également remercier la France pour l'aide humanitaire adressée à l'Arménie. Ces derniers mois, nous avons vraiment ressenti derrière nous le soutien sincère et la compassion du peuple, d’Etat et des milieux publics de la France. En témoignent clairement les faits susmentionnés, ainsi que les milliers de déclarations et de publications dans la presse d'intellectuels français, de représentants des sphères artistiques et culturelles, d'hommes et de femmes d'État et de politiciens. Dans ce contexte, je voudrais également mentionner les deux journalistes du quotidien "Le Monde", qui ont été gravement blessés en Artsakh dans l'exercice de leurs fonctions professionnelles. Je leur souhaite un rétablissement rapide.
Lors de la rencontre avec mon homologue français, nous avons parlé en détail du règlement durable du conflit du Haut-Karabakh. J'ai présenté les préoccupations de l'Arménie, y compris les questions du retour sûr et digne de la population arménienne qui a quitté l'Artsakh pendant la guerre, l'échange immédiat des prisonniers de guerre et le retour des dépouilles.
Sont fermement condamnables les cas de traitement inhumain de prisonniers de guerre arméniens et des otages civils par l'armée azerbaïdjanaise, ces cas non seulement ne sont pas condamnés par les hauts dirigeants de l'Azerbaïdjan, mais reçoivent également le soutien de la société. Ces manifestations de haine contre les arméniennes visent également de nombreux monuments culturels et religieux médiévaux arméniens qui se trouvent aujourd’hui dans les territoires de l'Artsakh occupés par l'Azerbaïdjan, que les Azéris tentent soit de détruire, de profaner ou de changer leur identité. Des échanges ont été effectuées en vue de préserver ce patrimoine religieux et culturel via des organisations internationales.
J'ai présenté à mon collègue la position de l’Arménie concernant la suite des négociations. J'ai souligné l'importance de reconnaissance du statut de l'Artsakh sur la base de la réalisation du droit du peuple d'Artsakh à l'autodétermination. À cet égard, les récentes résolutions du Sénat et de l'Assemblée nationale français qui expriment l'état d'esprit de l'opinion publique en France sur la question de l'Artsakh, ont été des signaux très forts adressés à la communauté internationale.
Au cours de la réunion, nous avons discuté ensemble de nos préoccupations concernant les actions dangereuses et irresponsables de la Turquie dans le Caucase du Sud, ainsi que dans d'autres régions.
Nous avons également évoqué les perspectives d'approfondissement du dialogue politique et des programmes de coopération close entre l’Arménie et la France.
En conclusion, je voudrais souligner que je serais très heureux d'accueillir mon collègue Jean-Yves Le Drian à Erevan pour poursuivre le dialogue efficace franco-arménien sur les questions à l'ordre du jour.
Question. Monsieur Le Drian, la déclaration du 9 novembre visait à mettre fin aux hostilités, et Vous avez également évoqué la nécessité de reprendre les discussions dans le cadre des coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE, en particulier sur la définition du statut du Haut-Karabakh. Comment les coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE voient-ils la réalisation du droit du peuple de l'Artsakh à l'autodétermination, étant donné que cette question est la seule des Principes de Madrid qui n'ait pas encore été abordée ? Monsieur Aivazian, j'aimerais également avoir votre commentaire sur le droit à l'autodétermination.
Ara Aivazian. Vous voyez, le droit à l’autodétermination a été l’un des piliers du processus de négociation et le droit à l’autodétermination par le recours à la force militaire ne peut être retiré de l’ordre du jour. Azerbaïdjan et La Turquie, en lançant une agression militaire contre l'autodétermination de l'Artsakh, a violé ses obligations internationales, et l'Azerbaïdjan a également violé ses obligations dans le processus de paix. Depuis le 27 septembre, la communauté internationale a eu en discorde parce que ce dernier a pris conscience que la question du Haut-Karabakh n’est pas seulement un différend territorial. Et dans toutes les régions de l'Artsakh qui sont passées sous le contrôle de l'Azerbaïdjan, des nettoyages ethniques et des crimes de guerre ont eu lieu, ce qui prouve une fois de plus la nécessité d'aborder la reconnaissance du droit de l'Artsakh à l'autodétermination. Ce n'est que dans ce cas, me semble-t-il, qu'il est possible de parvenir à une paix juste et durable, et ce n'est qu'alors que l'on pourra penser à de coexistence pacifique et à une nouvelle ère dans le Caucase du Sud.
C’est tout, merci.