Déclaration à la presse d’Ararat Mirzoyan, ministre des Affaires étrangères de la République d'Arménie, et les réponses aux questions des journalistes lors d'une conférence de presse avec Jean Asselborn, ministre des Affaires étrangères du Luxembourg

22 février, 2023

Le 22 février, le ministre des Affaires étrangères de la République d'Arménie a eu une rencontre avec Jean Asselborn, ministre des Affaires étrangères du Luxembourg.

Les ministres des Affaires étrangères arménien et luxembourgeois ont eu une rencontre en tête-à-tête, puis en format élargi, qui a été suivie d'une conférence de presse des ministres des Affaires étrangères des deux pays.

Dans son discours à la conférence de presse, le ministre Mirzoyan a particulièrement noté:

"Cher Monsieur le ministre,

Chers collègues,

Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux d'accueillir le ministre des Affaires étrangères et européennes du Luxembourg, un bon ami à notre peuple et à moi personnellement, Jean Asselborn et sa délégation.

Monsieur le ministre, nous avons eu l’occasion de nous rencontrer dans le cadre de ma visite à Luxembourg l'année dernière, votre visite réciproque est une bonne occasion de poursuivre nos discussions efficaces sur l’agenda bilatéral ainsi que sur les questions régionales et internationales d'intérêt mutuel.

Aujourd'hui, nous avons constaté avec satisfaction le haut niveau du dialogue politique entre l’Arménie et le Luxembourg, nous avons abordé les perspectives d'élargissement de la coopération basée sur les valeurs démocratiques, les perceptions communes et la confiance mutuelle.

Dans ce cadre, nous avons fait référence au programme ambitieux de réformes de l'Arménie visant à la protection des droits de l’homme et au renforcement de l’état de droit, à l'assurance d’une gestion efficace et à la lutte contre la corruption sans compromis. Comme vous le savez, selon les indices internationales faisant autorité, l'Arménie a fait des progrès continus et s’est positionnée en tant que leader régional dans certaines régions. Je voudrais réaffirmer que nous sommes déterminés à poursuivre la voie des réformes démocratiques et à attendre le soutien continu et la coopération de nos partenaires.

Ensemble avec le ministre Asselborn, nous avons exprimé notre volonté de prendre des mesures pratiques pour réaliser pleinement le potentiel existant dans les domaines économiques, scientifiques et culturels. Dans ce contexte, les domaines des hautes technologies, de la finance numérique et de l'éducation créative sont plus prometteurs.

Nous avons échangé des vues sur une coopération efficace entre nos pays dans les cadres des organisations et plateformes internationales. A cet égard, nous soulignons surtout l’importance de l'élargissement de la coopération avec l’Union européenne et apprécions hautement la contribution du Luxembourg à l’approfondissement de notre partenariat avec l’UE.

Chers participants,

Bien sûr, aujourd'hui, les développements liés à la sécurité et à la stabilité de notre région ont été au cœur des discussions. J'ai présenté à mon collègue les derniers développements dans le processus de normalisation des relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Je voudrais souligner que l’Azerbaïdjan doit mettre fin à ses approches maximalistes, sa rhétorique belliqueuse et ses aspirations envers le territoire souverain de la République d'Arménie et entrer sur le terrain des discussions constructives et des négociations de bonne foi.

Dans le contexte de la sécurité et de la stabilité régionales, ensemble avec le ministre Asselborn nous avons également souligné l’importance du déploiement de la mission civile d'observation de l'UE, qui, comme vous le savez, a commencé ses travaux il y a deux jours. Une fois de plus, je voudrais vous remercier pour la décision de déployer une mission d'observation de l'UE à long terme en Arménie. Je suis convaincu qu'il jouera son rôle dans le renforcement de la stabilité et de la paix dans la région.

Nous avons discuté avec mon collègue de la nécessité d'une résolution immédiate de la crise humanitaire créée au Haut-Karabagh à la suite du blocage illégal du corridor de Latchine. J'ai informé que le blocage du corridor de Latchine par l'Azerbaïdjan est une violation non seulement du droit international humanitaire, mais aussi de la Déclaration trilatérale du 9 novembre signée par eux-mêmes.

Parallèlement à la crise humanitaire de deux mois et demi, l'Azerbaïdjan a également provoqué une crise énergétique au Haut-Karabagh. Dans des conditions hivernales froides, les autorités azerbaïdjanaises ont délibérément interrompu l'approvisionnement en gaz de l'Arménie vers le Haut-Karabagh à plusieurs reprises et continuent de le faire. L'approvisionnement en électricité du Haut-Karabagh est également bloqué.

L’objectif de ces actions de l'Azerbaïdjan est clair: c’est de créer des conditions si insupportables, que le peuple du Haut-Karabagh quitte leur patrie historique. Cela est également attesté par les déclarations ouvertes et publiques des dirigeants principaux de l'Azerbaïdjan.

Afin de prévenir le nettoyage ethnique de la population arménienne du Haut-Karabagh, nous soulignons l’importance de l’attention permanente de la communauté internationale à cette question et des actions ciblées. Nous estimons que le déploiement d’une mission d'enquête internationale au Haut-Karabagh et dans le corridor de Latchine pour l'évaluation de la situation humanitaire est l’une des actions importantes dans cette direction. L'accès sans entraves des organisations humanitaires internationales, y compris les organes spécialisés de l’ONU au Haut-Karabagh, est aussi important.

Monsieur le ministre,

Nous apprécions hautement la position de principe et claire du Luxembourg amical sur des questions d’importance vitale pour l'Arménie, y compris l’occupation du territoire souverain de l'Arménie, la crise humanitaire actuelle qui se développe autour du Haut-Karabagh, ainsi que la libération immédiate des prisonniers de guerre arméniens, sur les plateformes bilatérales et multilatérales. Cela témoigne encore une fois, que l'Arménie avec ses valeurs démocratiques n’est pas seule et bénéficie du soutien des Etats partenaires qui partagent les mêmes valeurs.

Une fois de plus, je voudrais réaffirmer que malgré des défis et des épreuves existants, l’avancement de l’agenda de la paix est la priorité de la République d'Arménie. Nous croyons que le refus de régler les problèmes par le recours à la force ou par la menace de recours à la force, ainsi que la participation constructive au règlement des problèmes existants, deviendront la base pour la coexistence pacifiques de nos générations.

Monsieur le ministre,

En la personne du Luxembourg, l'Arménie a un partenaire de principe et fiable, et cette attitude est réciproque. Une fois de plus je vous remercie pour la discussion fructueuse et je vous cède la parole avec plaisir."


***
Question ("Radio Liberté"): Je voudrais poser ma question à M. Ararat Mirzoyan. M. Mirzoyan, il devrait y avoir des points de contrôle au début et à la fin du soi-disant "corridor de Zangezur", ainsi qu’entre Latchine et l’Arménie. Après la réunion de Munich, le président azerbaïdjanais a déclaré aux journalistes qu’il avait présenté cette proposition à la partie arménienne. Je voudrais savoir quelle est la position officielle d’Erevan, cette proposition vous convient-elle?

Et comme suite, Monsieur Mirzoyan, permettez-moi de poser encore une question. L’un des députés du “Contrat civil” au pouvoir déclare que l'Azerbaïdjan exige de l'Arménie le soi-disant “corridor de Zangezur” en échange de l’ouverture de Latchine. Je voudrais comprendre d'où vient cette information, Monsieur Mirzoyan, tenant en compte que la partie arménienne insiste qu’elle ne mène pas les négociations avec la partie azerbaïdjanaise sur la question de Latchine. Cette déclaration est-elle vraie?? L'Azerbaïdjan fait-il de telle demande?

Ararat Mirzoyan: Merci pour la question. La réponse à cette question se trouve dans la question elle-même. En effet, l'idée d'installer des points de contrôle à la frontière de l'Arménie et dans la zone où commence le corridor de Latchine a été soulevé, mais notre réponse est définitif, et nous avons annoncé publiquement notre position immédiatement peu de temps après le blocage du corridor de Latchine, et cette position reste la même.

Les règlements concernant le corridor de Latchine ont été négociés, signés, y compris par le président de l'Azerbaïdjan. Je parle de la Déclaration du 9 novembre, et de la renégociation des règlements concernant le corridor de Latchine, d'ailleurs encore à cause du recours à la force et à la menace d’une nouvelle force, évidemment, n’est pas et ne peut pas être une solution acceptable pour nous.

Vous avez cité une évaluation, et en effet, en l’analysant nous voyons cette conception azerbaïdjanaise, actuellement, l’attente d’ouvrir le corridor de Latchine en échange d’un autre corridor équivalent. Et ce narratif n’est pas nouveau, et notre position envers ce narratif, que je dois exprimer, n’est pas nouvelle non plus. Nous avons le corridor de Latchine, qui a été qualifié comme corridor humanitaire pendant tout le processus de la négociation, et tenant en compte que les Arméniens du Haut-Karabagh ont isolé, entouré entièrement par l'Azerbaïdjan, et que le seul voie les liant avec le monde et l'Arménie est le corridor de Latchine. Par conséquent l'existence du corridor de Latchine a été souligné dès le début, et tout le monde, y compris l'Azerbaïdjan, l’a accepté. En ce moment, cela se reflète également dans la Déclaration du 9 novembre. Le corridor de Latchine est aussi clairement fixé là-bas, pour de bonnes raisons, comme je l'ai déjà dit.

Quant au déblocage d'autres infrastructures de la région, il est également reflété à la fois dans la Déclaration du 9 novembre et, particulièrement, dans le texte de 11 janvier 2021 qui l'a suivi, et après la question a été discutée au cours des négociations.

Notre position est la même, et très constructive. Nous pouvons commencer à débloquer ces routes à tout moment une fois qu'il est admis que toutes ces routes débloquées, y compris le chemin de fer, ainsi que les autres routes, doivent fonctionner en accord avec la souveraineté et la législation du pays qu'ils traversent. Je pense que c’est une approche très raisonnable et en même temps très constructive et très transparente, et c’est notre proposition et notre détermination.

Vous avez mentionné Munich. À Munich, la dernière fois nous avons eu l’occasion de présenter nos approches constructives à l'égard de déblocage, ainsi que de respect des accords sur le corridor de Latchine et d’autres routes, et notre approche reste la même. Je répète que nous excluons et n’admettons pas la politique de modification des accords existants par le recours à la force et les menaces d’un nouveau recours à la force ou d’exigence d’autres concessions au détriment des intérêts d’un côté, je dirais, la politique agressive que nous voyons et qui est exprimée dans les déclarations et dans les propositions que vous avez mentionnées. Merci.

Question (“Télévision publique”): Monsieur Mirzoyan, je pose ma question à vous. Quels développements prochains pouvons-nous anticiper à l'issue de la discussion entre le Premier ministre de l'Arménie et le Président de l'Azerbaïdjan médiatisé par M. Blinken à Munich? Ce jour-là, au cours de la table ronde, Ilham Aliyev a annoncé qu'il y avait un accord pour tenir des discussions avec les habitants du Haut-Karabagh concernant leurs droits et leur sécurité.

Et, en dépit du vocabulaire controversé d’Aliyev, toutefois, est-ce que cela peut être estimé comme un progrès positif dans la position de l'Azerbaïdjan étant donné que jusqu'à récemment, l'Azerbaïdjan a totalement nié une telle possibilité dans ses déclarations publiques? Merci.

Ararat Mirzoyan: Vous avez attiré l’attention à une question importante et vous abordez un sujet vraiment essentiel. Oui, dès le début, quand nous avons entamé les négociations sur le traité de paix avec l'Azerbaïdjan, il y avait une vision et un accord de mener ces négociations dans deux directions principales: la première concerne l'établissement et le règlement des relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et, comme nous l’appelons, le traité de paix, et la deuxième est certainement un format, une plate-forme, dans le cadre duquel les droits et la sécurité de la population du Haut-Karabagh, les Arméniens, doivent être discutés. Et depuis longtemps nous voyons que l'Azerbaïdjan, en effet, évite d'être engagé dans ces négociations. Et à Munich non seulement au cours de la table ronde, mais aussi lors des discussions dans un format Blinken-Aliyev-Pashinyan, que vous avez mentionné, nous avons reçu la volonté et l’assurance de la partie azerbaïdjanaise que ces négociations, ce dialogue visible à l'international devrait se procéder entre Bakou et Stepanakert .

D’autre part, au cours de ces dernières années, nous avons constamment vu que des accords sont conclus, des assurances, des promesses sont données, et puis, voilà un recul de ces positions, même des accords signés et bien connus, comme la Déclaration du 9 novembre, dont on a récemment parlé. J'espère que cette fois cela n’arrivera pas, et nous ne ferons pas face au même comportement, c'est-à-dire à un recul de la volonté exprimée.

***

Dans le cadre de sa visite, le ministre des Affaires étrangères du Luxembourg, accompagné par Ararat Mirzoyan, ministre des Affaires étrangères, a visité le Mémorial aux Victimes du Génocide Arménien et a rendu hommage à leur mémoire.

 

 

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