Intervention d’Edward Nalbandian, Ministre des Affaires étrangères à la 39ème session de la Conférence générale de l’UNESCO
01 novembre, 2017Madame la Présidente,
Madame la Directrice générale,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d’abord féliciter Mme Audrey Azoulay pour sa nomination par le Conseil Exécutif au poste du prochain Directeur général de l'UNESCO. Une direction forte à l'UNESCO est essentielle pour orienter nos efforts conjoints visant à atteindre les objectifs de notre Organisation.
L'éducation joue un rôle crucial à cet égard. L'Arménie a co-signé et soutenu plusieurs initiatives dans le domaine de l'éducation, tant à l'ONU qu’à l'UNESCO. Nous coopérons également étroitement avec le Secteur de l'éducation de l'UNESCO dans l'élaboration de notre stratégie pour l'enseignement supérieur pour la période 2017-2030.
L'éducation, la science et la recherche ont de profondes racines dans la société arménienne. Dans deux ans, l'Université d'Etat de notre capitale Erevan célébrera son 100ème anniversaire. Cependant, il y a déjà 800 ans, la capitale du royaume arménien de Cilicie avait un institut d'enseignement supérieur laïc, l'université de Sis. Les Arméniens ont maintenu ces traditions à travers les siècles, y compris en fondant des écoles partout dans le monde. Cette année marque le 300ème anniversaire du monastère arménien de San Lazzaro à Venise qui a été reconnu comme une académie par l'empereur Napoléon. Il y a plus de 200 ans, une autre école célèbre –l’Institut Lazarian - a ouvert ses portes à Moscou en devenant plus tard l'un des deux établissements fondateurs de l'Institut d'État des relations internationales de Moscou.
Madame la Présidente,
L'éducation est un outil puissant pour promouvoir les valeurs auxquelles cette organisation adhère. Il est regrettable que certains Etats abusent de l'éducation pour des objectifs inverses, en l'exploitant pour la diffusion de la haine nationaliste en particulier chez les jeunes. Il existe de nombreux exemples de ce genre dans les manuels scolaires d'Azerbaïdjan ; l'un d'entre eux apprend aux enfants que les Arméniens sont leurs ennemis génétiques. Le rapport de 2016 de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance déclare : (je cite) « Les dirigeants politiques, les établissements d'enseignement et les médias ont continué à utiliser le discours de haine contre les Arméniens ; toute une génération d'Azerbaïdjanais a grandi en écoutant cette rhétorique haineuse " (fin de citation). Il est justement décrit dans les documents fondateurs de l'UNESCO que "les guerres commencent dans l'esprit des hommes". Les sociétés ne seront pas préparées à la réconciliation si la défense de la paix n'est pas construite dans leur esprit.
Le grand écrivain allemand, Heinrich Heine, disait : « Là où l’on brûle les livres, on finit par brûler des hommes. » Les livres du célèbre romancier azerbaïdjanais ont été brûlés dans les rues de Bakou juste pour avoir dit la vérité sur les massacres des Arméniens et pour avoir appelé à la réconciliation. Il a écrit une histoire sur son village natal au Nakhitchevan qui, durant son enfance, avait douze églises arméniennes. Toutes, ainsi que de nombreux autres sites sacrés et cimetières arméniens du Nakhitchevan et de toute l'Azerbaïdjan, ont été anéantis dans les années 1990 et 2000. De même, des milliers de croix en pierre médiévales du cimetière arménien de Jugha ont été détruites par des bulldozers sous les yeux attentifs des autorités azerbaïdjanaises et le site a été transformé en un champ de tir.
Après le nettoyage ethnique de la population arménienne de l'Azerbaïdjan, Bakou s’emploie désormais à nettoyer la mémoire même de la présence arménienne, plusieurs fois millénaires, toutes les traces de la culture et de l'histoire arménien de la région. Bakou efface le passé simplement parce qu'il ne correspond pas à l'image que l'Azerbaïdjan se fait d’elle même, suivant probablement le célèbre précepte de George Orwell selon lequel : « celui qui contrôle le présent, contrôle le passé ». Ceux qui contrôlent l'Azerbaïdjan aujourd'hui pensent qu'ils peuvent réécrire l'histoire pour légitimer leurs politiques de haine.
Madame la Présidente,
Historiquement située au carrefour de différentes civilisations, l'Arménie a cultivé des traditions profondément enracinées de coexistence et de respect envers les autres cultures et religions. C'est pourquoi l'Arménie conserve un riche patrimoine culturel qui valorise la diversité des identités, entre autres, un temple de l'époque hellénistique, certaines des plus vieilles églises du monde, un cimetière juif médiéval, une mosquée du 18ème siècle, et bientôt - le plus grand temple yézidi du monde.
La coopération pour la préservation du patrimoine culturel, qui a été parmi les principaux piliers proclamés par l'UNESCO, revêt une signification toute particulière pour le peuple arménien. Nous avons des communautés bien intégrées dans une centaine de pays du monde et donc - des monuments dans le monde entier et particulièrement dans les pays de la région. Nos voisins ont montré des approches différentes pour la préservation du patrimoine historique arménien. Il y a une bonne coopération avec l'Iran, qui veille à la préservation des monuments arméniens situés sur son territoire ; attitude qui contraste totalement avec celle de l'Azerbaïdjan, mais aussi de la Turquie, où des milliers de monuments culturels ayant une valeur universelle ont été perdus pour toujours. À cet égard, je voudrais réitérer le vif intérêt de l'Arménie pour la participation de nos experts à la fouille et à la restauration de sites archéologiques en Turquie, comme, par exemple, la capitale médiévale arménienne, Ani.
Nous sommes également très préoccupés par les attaques contre monuments et sites arméniens en Syrie, pays déchirée par la guerre. Nous croyons fermement que la réhabilitation post-conflit en Syrie devra réaffirmer les droits des minorités nationales, y compris des Arméniens, sur leur patrimoine religieux et culturel.
Cette année, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté à l'unanimité la résolution 2347, qui condamne la destruction illégale du patrimoine culturel, y compris des sites religieux, notamment par des groupes terroristes. Nous espérons que la communauté internationale poursuivra avec vigueur de tels efforts.
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais également attirer votre attention sur deux anniversaires proposés par l'Arménie pour le calendrier de l'UNESCO.
Premièrement, pour 2016, avec le soutien de la France et des Pays-Bas, nous avons célébré le 350e anniversaire de la première Bible imprimée en arménien. C'est un événement remarquable non seulement pour les 500 ans d'histoire de l'imprimerie arménienne, mais aussi pour une nation qui a été parmi les premières au monde à traduire la Bible et à adopter le christianisme comme religion d'État, il y a plus de 1700 ans.
Deuxièmement, pour 2017, conjointement avec la Fédération de Russie et avec le soutien de l'Italie, nous avons marqué le 200e anniversaire de la naissance de Hovhannes (Ivan) Aivazovsky, peintre mariniste de renommée mondiale.
Madame la Présidente,
Dans le monde d'aujourd'hui, il y a une demande accrue des efforts qui approfondissent l’esprit de la paix, qui transforment nos différences en nos forces, qui préservent et utilisent notre patrimoine commun comme un pont entre les générations, les cultures et les peuples. L'Arménie croit fermement en cette mission de l'UNESCO et est prête à poursuivre sa contribution à la réalisation de ces objectifs.
Je vous remercie.